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 Eglantine de lacuissenberne

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JPaul


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MessageSujet: Eglantine de lacuissenberne   Eglantine de lacuissenberne EmptyVen 29 Juil 2011 - 12:35


PREMIERE PARTIE : Eglantine, la révélation…




Eglantine vient d’avoir vingt ans, l’age où les fleurs sont les plus belles car épanouies au soleil de l’insouciance. Grande et élancée, brune et hâlée comme un fruit trop mûr dont le regard azur semble avoir déposé deux pierres précieuses sur un écrin, sa longue chevelure dépasse de son AGV Rossi réplica et claque au vent du sud qui semble répondre à chaque pulsion de son poignet droit et à la douce mélodie un peu sourde des deux tubes de la 996 d’occase chantant son plaisir d’être née sur le sol de la passion qui a fait d’elle une des plus belles motos jamais construite.

Pourtant, rien ne prédestinait Eglantine à piloter un jour un deux roues motorisé. Faut dire que chez les De Lacuissenberne, on est plutôt champagne et Ferrari que moto et choppe de bière ! Mais la passion a ses raisons que la raison ignore… Passion pour la moto ? A la base…, pas vraiment ! Maintenant, sans doute… Mais reprenons tout ça depuis le départ si tu le veux bien, come-back…

Monsieur et madame De Lacuissenberne, selon une habitude bien établie, s’emmerdaient au lit un beau matin de mai 1987. Gros industriel de la région parisienne, Charles Henry vivait depuis vingt cinq ans avec Maximilienne Du Pédanlaouatte, fille du principal concurrent de son père à l’époque. Mariage de raison comme on dit… Aujourd’hui, le fils est la tête de la boite à Papa, parti entre temps rejoindre tranquillement la terre des ses ancêtres. Dans ces familles là, on ne fait pas l’amour – sauf par nécessité -, non ! La jouissance est dans le profit et l’acquisition de biens que la famille « amie » n’a pu s’offrir. Sans enfants (on a bien le temps de penser à la succession…), le hasard voulu que ce matin là Charles Henry perdit le feuillet lui servant de bloque page alors qu’il reposait les œuvres du marquis de Sade sur sa table de chevée. Pas son type de lecture, pourtant ! Mais comme Philibert de la Pinemolle, son voisin invité hier au soir, avait passé tout son temps à disserter sur cet affreux auteur indigne de sa noblesse, notre ami (on sait jamais, ça peut servir…) se devait de se documenter, histoire de ne plus passer pour un blaireau au prochain repas. Faut dire que l’autre en a mis une couche, recevant même une certaine approbation de la part de la gente féminine présente, un comble pour l’hôte qui se doit de rester maître à bord !

Donc, le fameux feuillet par qui tout est arrivé… Maximilienne lisait son quotidien à la page des rubriques nécrologiques, histoire de se tenir informée des dernières sorties en prévision. Charles Henry, quant à lui, était bien embêté : chapitre cinq, l’art de la flagellation avec explication de texte… Faudrait pas perdre la page car il semble s’agir d’une pratique primordiale dont la compréhension semble indispensable à la parfaite connaissance de cet être hideux qu’était Sade (ce débauché !). Au sol, rien ! Sur le lit non plus… Maximilienne, un peu agacé, se retourne et… miracle ! Le feuillet était juste là, tombé sous les draps entre… ses cuisses, à quelques centimètres à peine de… cette culotte en coton blanc, sorte de porte close de bienséance à l’étiquette qui veut qu’on ne s’abaisse pas au rang de l’animal par un comportement bassement primaire ! Comme s’il s’agissait d’un titre en bourse, son mari plongea alors pour récupérer l’objet recherché…

Ce qui se passa ensuite, nul ne le sait et les faits ne se sont jamais reproduits depuis. Le personnel de maison parle encore, près de vingt ans après, des cris de bête égorgée qui ont secoué toute la demeure pendant au moins quinze minutes. Deux d’entre eux, sans doute un peu plus courageux que les autres, sont alors montés pour tenter de découvrir l’origine de trouble inhabituel. Ils sont redescendus le visage blême, sans dire un mot… Depuis, ces deux là ont intégré l’entreprise de Monsieur et occupent des postes importants. Neuf mois plus tard est arrivée la petite Eglantine. Sade, de là haut, a dû sourire…

Education classique, cours privés à domicile, la gamine sembla suivre l’exemple de ses parents en se préparant à les représenter dans la plus parfaite application et docilité : l’art du paraître n’est pas le chemin le plus facile. Il est semé d’embûches occasionnées par la condition même de l’être humain et c’est à cette réussite qu’on forge ce monde d’exception qui fait la différence entre les gens « bien » et ceux du « peuple ».
Mais le destin, sournoisement, commençait un travail de fond : la petite, sitôt l’adolescence, commença à s‘emmerder… et décida de visiter la bibliothèque familiale. Un livre bien particulier traînait là haut, sur le dernier étage…

Le hasard voulu que le jour de ses dix sept ans coïncida avec l’arrivée du nouveau jardinier venu remplacer Ernest, parti à la retraite. A peine la trentaine, grand et mince, le visage buriné par de trop longues journées passées au soleil, ce beau brun attira tout de suite l’attention d’Eglantine qui vit en lui un sujet de distraction lui permettant de s’évader un peu de son univers tristement bien ordonné.

Elle commença par l’observer en silence, presque malgré elle. Un mec à priori sans histoire qui faisait son boulot à l’image de ce qu’on attend de la domesticité. Il est une règle établie dans le « monde » : seul le maître de maison peut dialoguer avec les employés, on ne mélange pas les deux univers. Habituée depuis toute petite à respecter l’étiquette, elle n’y dérogea pas, mais quelqu’un, là haut, semblait décidé à s’occuper de son cas…

Il se nommait Steeve, Eglantine l’avait entendu de son père. Sans trop savoir pourquoi, au fil des jours qui passaient, elle pris l’habitude de rester à sa fenêtre et l’observer longuement. Le jardinier avait un petit quelque chose dans ses attitudes qui commença à faire naître en elle un trouble inconnu. Mais surtout, c’était quant il arrivait et repartait qu’elle sentait monter en elle un trouble inconnu : vêtu d’une combinaison de cuir rouge très saillante, il y avait quelque chose de noble en lui quant il enfourchait une superbe moto de la même teinte dont le son grave faisait vibrer les vitres de la vieille demeure. Elle se précipitait alors en entendant ce bruit devenu familier sous l’œil réprobateur de son père qui surpris un jour sa fille à la dérobée. Le jardinier fut renvoyé !

Dix huit ans… La petite était devenue presque une femme à présent, ce que cachaient avec peine les tailleurs trop stricts imposés par sa mère. Un jour qu’elle cherchait un bouquin dans la bibliothèque, un ouvrage tomba au sol. Elle se pencha pour le ramasser et le lut un nom en en-tête : Sade… Ce nom lui rappela quelques vagues souvenirs de jeunesse suite à des conversations animées entre son père et ses invités lors de ces repas ennuyeux qui faisaient partie de son quotidien : elle ne comprenait pas de quoi il s’agissait, mais le sujet devait être grave vu la façon dont son père s‘emportait toujours à l’énoncé des quatre lettres composant ce nom. Poussée par la curiosité, le bouquin sous le bras, Eglantine fila dans sa chambre et en commença la lecture. D’abord horrifiée par le verbiage décrivant un monde qu’elle ne soupçonnait pas, elle reposa vingt fois le livre, mais quelque chose en elle la poussait à le reprendre. Le brave marquis, même par procuration, est resté maître dans l’art de perpétuer son œuvre… Le jeu subtil des nobles perversités de l’amour n’eu bientôt plus de secrets pour cette recluse du monde moderne. Pour l’instant, l’élève n’apprenait que la théorie, mais elle commença à se livrer à ses premiers exercices en solitaire.

De temps de temps, le son grave d’un quatre en un se faisant entendre en provenance du monde extérieur délimité par le haut mur d’enceinte de la monacale demeure. A chaque fois, Eglantine dressait l’oreille, se sentant attirée par cet appel de plus en plus insistant, comme si sa place n’était plus ici. Sade a dit que pour vivre libre il faut s’accepter tel que l’on est au plus profond de soi. Libre… Cette fois, c’était décidé ! Elle possédait un compte en banque (bien garni…) dont elle pouvait disposer à présent, alors elle quitta ses parents avec pertes et fracas un beau matin d’avril ! Ces derniers ne s’en remirent jamais…

Pas d’adresse, juste un sac avec quelques affaires, mais de quoi voir venir : la petite avait hérité de son grand-père trop vite disparu cette faculté d’entreprendre et de s’adapter qui ont fait que franchir le pas de non retour ne fut pas un obstacle pour elle.

Le hasard voulu qu’au coin de la rue se trouve un bar à motards et que, n’ayant nulle part d’autre où aller, la belle décida de franchir la porte de l’officine, attirée par le lot de bécanes parquées sur le trottoir. Faut dire que la moto est le seul lien « connu » entre elle et le monde extérieur qu’elle a décidé de conquérir.

Dire qu’elle a fait sensation en pénétrant dans le rade relève de l’euphémisme ! Imagine, toi qui passe plus ton temps à raconter tes « exploits » au comptoir qu’à accumuler les bornes au guidon de ta meule l’émotion suscitée par l’arrivée d’une nana en tailleur Chanel, un sac sur l’épaule, dans un tel endroit de perdition ! Rock et choppes de bière, des posters de bécanes partout, ça sent le cuir et la sueur, ça cause haut et fort avec cette mauvaise foi légendaire du milieu, bref ! tout à fait l’endroit où nous aimons tant nous retrouver après une bonne arsouille ! Y a des bécanes à l’extérieur et, au cas où, des filles à l’intérieur dans le cas où t’aurais besoin de lester à l’arrière de ta selle, ainsi que les quelques indispensables « piliers » à qui tu vas pouvoir faire admirer le dernier slider que tu viens de râper avec cette vieille lime qui traîne au fond de ton atelier… L’arrivée d’Eglantine déclenche un silence général tandis que tous les regards se tournent vers elle.

Peu habituée à ça, la belle déglutit puis. Aller ! on se calme…, une profonde inspiration et… droit au comptoir ! Le but ? D’abord trouver à se loger. Pour le reste on verra plus tard !

Fred, affairé dans le bac à vaisselle, en lâche un verre qui se brise au sol : jamais, depuis qu’il a ouvert son rade, il a vu un truc pareil ! Une fille d’une beauté inouïe, fringuée comme dans les défilés de mode, et… elle s’avance vers lui ! Pas que son bar ne regorge pas de belles nanas, mais généralement, elles sont plutôt jean, baskets et cuir, elles n’ont pas cette démarche !!!

- Bonjour ! Je cherche à me loger, vous avez une chambre ? Demande Eglantine en plantant son regard azur dans celui du pauvre taulier se demandant s’il ne rêve pas !

Intérieurement, elle en mène pas large, mais ses longues heures passées à apprendre à garder son rang auprès des autres lui ont donné l’apparence de l’assurance en toutes circonstances. Elle se sait jolie, et Sade lui a fait comprendre qu’il s’agissait là d’une arme redoutable !

- Beuu…, ou… ouais… ! J’en ai bien une, bredouille Fred, mais…, j’sais pas si j’peux… ! Pas eu l’temps de faire le ménage et mon employée est en vacances… Pas très propre… Z’êtes sûr que vous vous trompez pas d’endroit ?
- Non ! Je cherche juste pour quelques jours, le temps de me retourner, et j’adore la moto… ! Cet endroit m’a l’air très comme il faut.

Là, Fred manque de s’étouffer. Puis, il commence à se demander si cette fille venue d’une autre planète ne se fout pas de lui ! Il la scrute longuement – vache ! Qu’elle est belle…- , mais non ! elle semble VRAIMENT sincère. Les clients n’en perdent pas une miette, attendant la suite. Les filles aussi, un peu inquiètes à la vue d’une possible rivale…

- J’appelle ma fille… Lisa ?

Une blondinette d’une vingtaine d’année fait son apparition, son père lui glisse quelques mots à l’oreille. Une belle nana aussi ! Moins qu’Eglantine, mais ses superbes formes fines et élancées lui donne une allure certaine dont les habitués du rade ne sont pas insensibles… Elle ? Elle s’en fout ! Elle préfère de loin la compagnie de sa Z 750 qu’elle manie aussi bien que les pauvres blaireaux qui tentent de lui mettre le grappin dessus… au grand désespoir de ces derniers ! Lisa a son franc parler, ne se maquille pas, ne se dépare jamais de son cuir et son éternel Levis taille basse, lequel laisse dépasser le string de sa magnifique paire de fesses pour le plus grand plaisir des coincés de la boite à roues qu’elle dépasse d’une rotation franche du poignet droit.

Lisa mâte Eglantine quelques instants, esquisse un sourire puis fait signe à cette dernière de la suivre. Les deux filles s’éclipsent à l’étage. Aussitôt le patron est assailli de questions et réflexions diverses de sa clientèle restée bien discrète jusque là : lâche une brebis au milieu des loups… surtout s’ils ont la moto pour passion !

La fille du taulier, devinant en cette drôle de cliente un renfort inattendu contre le harcèlement perpétuel des éternels excités du bar, Lisa attaqua Eglantine qui lui conta par le détail son histoire. Les yeux mi-clos, elle semblait boire chacune de ses paroles puis, esquissant un petit sourire, déclara :

- Bien… Voilà ce qu’on va faire : tu vas rester ici, t’installer tranquillement, et demain… direction les magasins pour un relookage en bonne et dû forme ! Ensuite, faut absolument que tu passes le permis moto. On va faire de toi une pétasse, ta seule armure dans ce monde que tu vas bientôt découvrir !!! Je t’explique : dans cet univers si particulier qui est le notre, si tu ne veux pas te faire dévorer toute cru, va falloir apprendre à te mettre à table la première…

Un permis moto plus loin, c’est une véritable bombe qui se présente à l’entrée de chez Barjo Moto… Je t’explique : Imagine une belle brunette au regard bleu acier frisant le mètre quatre vingt, carénée au quatre vingt dix – soixante – quatre vingt dix, vêtu d’un simple tee shirt découvrant son ventre plat et mettant en évidence une magnifique paire de melons fièrement dressés, à peine dissimulés par le tissus. T’ajoutes à ça un jean taille basse moulant un arrière train digne d’une MV F4, lequel, stringé suivant les normes en vigueur, et t’obtiens un ensemble apte à te faire lâcher ta femme, tes gosses et ton chien si un jour cette créature daigne poser les yeux sur ta misérable personne, être insignifiant que la vie semble avoir oublié au profit d’un foyer bien terne que vient juste égayer cet objet pour lequel tu t’es saigné aux quatre veines : ta moto… Rêve pas… JAMAIS une telle fille ne te remarquera ! Tant mieux d’ailleurs, car, si un jour l’impensable arrivait, jamais tu serais à la hauteur d’assumer une nana comac ! Contente de tringler bobonne une fois par semaine, sortir Médor le soir après le turbin, emmener les gosses au ciné le dimanche, et… profite de ta bécane !!! La vérité est là et nulle part ailleurs : ta seule libido possible se trouve à l’extrémité droite du guidon… Tu ne le sais peut-être pas de façon tout à fait consciente, mais c’est certainement pour cette raison que tu l’aimes autant ta bécane ! Je sais…, mais repense bien à ce que je viens de te dire… Me remercie pas, j’suis pour la paix des ménages !

Donc, Eglantine vient d’entrer dans l’officine, bien décidée à en ressortir avec une bécane ! La tronche de Raoul Barjo, le taulier, en voyant arriver une naïade comac au sein de son établissement… Raoul, la soixantaine bien tassée, ne fait pas son age. Enfin…, le pense t’il. Son slogan ? La moto retarde le vieillissement de l’épiderme… Une qui n’est pas tout à fait de cet avis, c’est la Germaine, son épouse ! La pauvre…, trente ans qu’elle supporte son mari qui a passé les trois quarts de sa vie à faire le beau sur les circuits… surtout dans les paddocks. Pas qu’il aime passionnément la moto, mais les femmes, oui ! Et la bécane, c’est bien connu, c’est un véritable piège à gonzessses, non ? Il était dés lors logique que ce brave Raoul ouvre un bouclard : pas très courageux par nature, pilote très moyen, mécano idem, patron d’un magasin moto lui permet de voir arriver la gente féminine au lieu de devoir aller la chercher. Bon, il est vrai que maintenant, vu l’age… Le corps vieillit mais l’esprit reste intact ! On ne sait pas pourquoi Germaine est restée, la force de l’habitude sans doute…

Raoul, selon une habitude maintenant bien rodée, se précipite vers Eglantine en rentrant un peu son abdominal bedonnant (rigole pas, toi, là bas au fond…, tu mets du combien en taille ?), ce que les vendeurs ont accepté depuis longtemps car le patron a toujours raison !
Une qui ne voit pas ça d’un bon œil, c’est Germaine, mais elle ne dit jamais rien : au moins, pendant ce temps là elle ne prend pas la critique, ce revers de travailler ainsi en famille.

- Puis je vous être utile, mademoiselle ? Demande t’il d’une voix qu’il s’efforce de rendre la plus charmeuse possible.

Et elle, un peu surprise par cet élan, de répondre, l’air mutin devant la tronche du gazier :

- Heu…, oui ! Je viens pour acheter une moto… Un truc qui me branche, c’est une italienne ! Rouge comme le sang, pleine de tempérament… comme moi !

Ceci dit, elle balance son plus joli sourire en gonflant sa poitrine à un Raoul qui sent soudain un violent frisson parcourir tout son être, et… une raideur saisir une certaine partie de son anatomie pour la première fois depuis… la dernière cliente qu’il jugea potable de renseigner.

- Vous faites de la moto depuis longtemps ? Demande t-il en louchant vers cette paire de seins tout juste située à quelques centimètres de lui, magnifiques objets fièrement dressés pointant à travers le mince tissu les recouvrant, comme un appel à ce qu’il aime le plus au monde…

Pauvre vieux con, tous les mêmes… Pense Eglantine en en remettant une louche. Faut dire qu’en trois mois de fréquentation du bar, il ne lui a pas fallu deux plombes pour étudier et comprendre le mode de fonctionnement affectif d’une grand partie de la gente masculine : l’aide de Sade et de Lisa l’y ont bien aidée dans ce sens ! Pas naïve, la môme…, plutôt douée même !

- Trois mois, pourquoi cette question ? D’habitude, c’est pas ça qu’on me demande en premier ! Répond elle en rigolant. Non, sérieusement… Et arrêtez de mâter comme ça ! La vieille dame là bas au fond regarde bizarre… Votre femme je présume ? Bon ! Ducati… vous avez ?

Vlan ! Dans les gencives, le Raoul… Voulant néanmoins garder l’équilibre face à cette riposte imprévue, il s’efforce de prendre un air naturel pour déclarer :

- Ducati…, pas de la moto pour débutant, ça ! Bon, y a bien la p’tite Mostro, mais c’est un truc que je déconseille pour commencer : au prix des pièces, ça fait mal quant on la flanque par terre, ce qui ne tarde jamais d’arriver au début. Sans compter l’assurance qu’est pas donnée pour un jeune permis. Un roadster japonais serait plus indiqué. Vous savez ce que c’est ?
- Me prenez pas pour une blonde ! J’veux une italienne, une sportive… Alors ? Ducati, vous avez ça dans votre boutique ?

Le père Barjo est scié, troublé même, devant cette cliente si particulière ! Et la Germaine qui ne le quitte pas du regard… Non pas qu’elle dira quelque chose, non ! Mais comme à son habitude affichera ce regard d’indifférence qu’il ne supporte pas : Raoul aime que les femmes le regardent, même la sienne. Au fond, c’est un sentimental… au sens épidermique du terme.

- Oui, me reste une occase…, déclare t’ il mi-moqueur, une 996. Mais enfin, j’veux pas présumer de vous mais c’est pas un truc à mettre en toute les mains. En tant que revendeur, j’ai pas l’droit moral de refiler une telle machine à une débutante, question d’étique ! Maintenant, si vous y tenez vraiment… Juste pour le plaisir des yeux et… des miens aussi - je me dois de vous l’avouer - je vais vous le montrer car je trouve qu’elle vous ressemble : belle à crever et pas accessible à tout le monde, elle incarne tout ce qui peut faire rêver un homme si ce dernier sait regarder avec les yeux de la passion. Cette bécane est à l’image de la femme italienne : un brasier ardent dont on ne peut s’approcher qu’avec le feu de son âme !

Eglantine le regarde en rigolant et déclare :

- A causer comme vous le faites, m’étonne pas que votre femme vous regarde comme ça… Vous m’plaisez bien au fond ! Tellement que je sens que vous allez me la vendre cette bécane !

Cela dit, sans y être invitée, elle s’avance en tortillant de l’hémisphère sud vers le fond du magasin, là où elle a repéré les occases. Barjo, les yeux rivés au dosseret de la belle qu’il aimerait pouvoir piquer au freinage, lui colle au train tel un automate ! Plus loin, Germaine observe la scène, pousse un léger soupir de résignation puis… retourne vaquer à d’autres occupations !

Elle est là, un peu à l’écart ! Belle dans sa robe rouge sang, un peu irréelle au milieu de ce stock de machines entassées qui semblent attendre un maître tel le chien à la fourrière. Pas elle : ses lignes tendues donnent l’impression qu’elle va bondir, s’extirper de cette cohabitation qui n’est pas la sienne. Pour un peu, on entendrait déjà rugir le bi en L à travers les Termigoni… Eglantine s’arrête quelques instants, la gorge serrée… Une 996…, comme celle du jardinier… Elle s’avance timidement et pose sa délicate petite main sur le réservoir. Son cœur bat la chamade : c’est elle !!!

Raoul aussi est sous le charme… de cette si charmante cliente ! Eglantine se penche en avant pour mieux admirer « sa » future monture, ce qui octrois au taulier de Barjo Moto une vue imprenable sur la raie médiane de la belle, parfaitement mise en valeur par son jean ultra moulant que ne parvient pas à masquer son léger string, ce roadster de la culotte… Barjo entre alors dans une transe érectionnelle de la boite à pensarde. A cet age là, le physique cède souvent le pas à l’imaginaire, c’est qu’on appelle plus communément avoir une b*** à la place du cerveau, un peu comme toi, mais à la différence que lui, il ne peut PLUS, tu saisis la nuance ?

- J’achète ! Lance alors Eglantine…

On a beau être porté sur le beau sexe, on n’en oublie pas le coté lucratif lié à son activité professionnelle, hein, Raoul ? Mais… Une 996, faut quand même pas pousser ! En plus, vu son age, elle est limitée à 34 chevaux. Oui mais…, heu…, y a p’têt une possibilité avec cette nana ??? Barjo, inconsciemment, se tourne alors vers la pauvre Germaine, là bas au loin… Ho ! Elle a de beaux restes… pour son age, mais face à la beauté presque insultante de la jeunesse d’Eglantine, sa fraîcheur, cette désinvolture qu’elle affiche… Oui, Ok ! Il va la lui vendre ! Et p’têt aussi lui offrir un cuir (la cabine d’essayage est là, toute proche…) Mais l’assurance… Raoul est bien décidé à faire plaisir à sa cliente malgré le fait qu’il va déroger à toutes les règles fixées par le milieu voulant qu’on ne vende plus n’importe quoi à n’importe qui, surtout une hypersport à une novice, mais… va falloir l’assurer cette bécane ! Comment faire… ? Il cogite un instant et… Euréka ! Il va « prêter » la Ducati, assurée par le magasin et, en échange, elle va acheter une routière basique genre… la petite Diversion qui traîne là bas au fond : dans quelques temps on aura ainsi possibilité de bassiner l’assureur en jouant sur le fait qu’elle aura un pneu d’expérience… et l’age des 100 chevaux. Ouais ! Reste plus qu’à la convaincre de cet « arrangement » pas très… politiquement correct. Un contrôle ? Les bleus vérifient jamais l’age, seulement si le véhicule est assuré. Faut pas tomber non plus car là… Pépère risque son boulot si on découvre le pot aux roses ! Surtout, rien dire à Germaine car cette grande dinde pourrait piquer une crise de jalousie et faire capoter l’affaire… En agissant ainsi, Raoul espère bien bénéficier des faveurs particulières de la Belle : pas gagné d’avance mais jouable !

- Vous me plaisez bien jolie demoiselle ! Vous la voulez vraiment ? Voilà ce que je vous propose…

Eglantine écoute sans broncher. D’abord franchement surprise, elle comprend très vite que si elle veut cette bécane (ce qui est le cas et dans le monde d’où elle vient, on obtient toujours ce que l’on veut, d’une façon ou d’une autre), pas d’autre choix que d’accepter la propose du père Barjo… ainsi que le petit rencard fixé pour, dit-il, « lui expliquer les règles fondamentales à tenir pour rester sur ses roues avec une telle moto ». Ah ! Les hommes… Faut dire qu’en quelques mois, sous l’influence de Lisa, mademoiselle de La Cuissenberne a sacrément rattrapé les années perdues, bien aidée par Sade au passage… ! Les soixante neuf positions ont toutes été visitées, revisitées, améliorées, plus d’autres avec des objets divers, preuve d’un talent rare dans un domaine assez élitiste. Eglantine, selon la rumeur vite établie dans le milieu, serait plutôt en pole position à chaque entrée en piste : élève assidue du fait de son éducation, elle a abordé le sujet avec le plus grand sérieux qui soit, et… avec un certain plaisir aussi ! Retiens un jeune cheval fougueux à la bride un moment et lâche le d’un seul coup, tu vas comprendre pourquoi… La nouvelle de cette « présence si amicale » au rade à Fred qui, en quelques jours a vu son chiffre d’affaire triplé, s’était répandue plus vite qu’une 1400 ZZR en version libre pour effectuer un 400 mètres D.A. ! Content le taulier… A tel point qu’il décida d’héberger gratos la môme le temps qu’elle voudrait et lui proposa même de lui réchauffer les pieds les rares soirs qu’elle passerait seule !











































DEUXIEME PARTIE : Du rêve à la réalité, ou comment obtenir ce que l’on veut quant on est plutôt bien faite et pas trop conne…



The jour J ! Plutôt nerveuse la môme… Lisa a décidé de l’accompagner avec la Z et toutes deux poussent la porte du bouclard à Barjo qui, en bon tringleur tentant de se convaincre qu’il fait toujours partie de l’ « élite » - faisait les cent pas dans son officine en attendant l’arrivée de la Belle sous l’œil un peu blasé mais écœuré de Germaine, pas dupe du manège. Eglantine lui plait vraiment, c’est certain ! Elle lui rappelle sa folle jeunesse, le temps béni où il descendait de sa meule sans crier de douleur à chaque mouvement articulaire, quand il constatait les regards envieux des filles et agacés des mecs à chaque fois qu’il ôtait son casque. En ce temps là, tomber une frangine relevait du détail. Puis il a eu Germaine, belle à crever, qui a su lui mettre le grappin dessus et faire en sorte que les années passent très vite ainsi, trop vite sans doute pour lui faire oublier que le temps qui file est l’ennemi de ce que nous sommes au plus profond de nous-même… Raoul n’a pas changé, il est resté un séducteur au besoin impérieux de continuer à plaire, de tenter conquérir ce qui peut lui résister : sa façon à lui de se sentir vivant. A ce titre, la moto est la pire des vicelardes, masquant son pilote qui s’illusionne du regard des autres jusqu’au moment il devra fatalement tomber le casque et laisser apparaître la vérité dans ce qu’elle a de plus cruelle. Barjo le sait et ne grimpe plus en selle depuis longtemps, se contentant du pouvoir qu’il s’est donné par sa toute puissance de patron vendeur de rêve.

P’tain ce qu’elle est belle ! Se dit-il en se précipitant vers Eglantine un large sourire au coin des lèvres. Lisa est pas mal aussi, remarque t-il d’un œil connaisseur. La blondinette, dans son jean serré et son chemisier ouvert sur une superbe poitrine dont elle ne cache aucun détail, si elle ne possède pas le charme fou de la magnifique brune qui l’accompagne, est à point pour que n’importe quel mâle normalement constitué attrape un torticolis sur son passage en même temps qu’une bonne vieille érection de derrière les fagots…

« La Ducati de mademoiselle est avancée ! », déclare t’il sous le regard emprunt de fatalité de sa femme qui l’observe du bout du comptoir.

La bécane est là dans le hall, toute rutilante dans sa robe rouge sang ! La môme en verse une larme d’émotion tandis que le gars Raoul s’empresse de lui susurrer assez connement (t’as remarqué comme on est toujours con devant une belle gonzesse qu’on espère enfiler ? Enfin… toi surtout !)

« Aussi belle et racée que sa nouvelle propriétaire ! Vous allez bien vous entendre toutes les deux »

Tu causes dans l’vide mon cher Barjo, Eglantine ne t’écoute pas, elle est déjà en selle à plus de mille lieux de ton bouclard ! La brunette caresse en effet le réservoir de SA moto, l’air ailleurs… Germaine, qui commence à en avoir raz les miches de ce petit jeu ridicule auquel se livre son cavaleur de mari, décide de reprendre les choses en main. Au pas se rapprochant rapidement, Raoul sent le vent tourner soudain dans une drôle de direction et adopte illico la position dite « de la tortue » tandis que notre miss, ayant pigé qu’un orage allait pas tarder à éclater, lance un clin d’œil à sa copine qui lui répond d’un air complice. On va pas se priver de jouer un pneu, surtout quand on est le sujet principal de l’épisode qui va suivre…

« Raouuuuul ! S’pèce de vieux schnock ! T’es là pour vendre une bécane ou tu tentes une fois encore de r’fourguer ta vieille carcasse qu’est même plus capable de t’nir la corde ??? Tu t’es vu dans la glace ? T’as une tronche de mollusque qu’aurait traîné ses précieuses en plein soleil, mon pov’ gars ! Pis tu veux qu’on cause de tes prouesses au pieux tant qu’à faire ? Que maintenant te faut deux plombes pour relever l’pollux qu’est même plus capable d’assurer le tour de chauffe ? Hein ??? T’as trop tiré sur le zifolo mon pov’ gars et l’Métal 5 y peut plus rien pour ta pomme : mou du paf tu es et le restera désormais ! Mais qu’est-ce que je fous à rester avec un zig pareil, j’te l’demande ? »

Liquéfié le gus Barjo !!! Il baisse les yeux comme un gosse pris en faute, regarde son bénouze d’un air mélancolique et songeur : vrai qu’elle a raison Mme Barjo… L’escargot est devenu bien frileux depuis quelques temps et ne sort même plus de sa coquille – ou si peu – que pour aller pleurer sur une glorieuse époque maintenant révolue, la dernière larme se déversant systématiquement en oraison funèbre dans le fond du calbute, formant une espèce de couronne annonciatrice de l’arrivée d’une prostate qui va se charger de le faire sortir de la piste par la voie des stands.

« Oui, c’est bien vrai ça monsieur Raoul…, lance Eglantine d’un air faussement apitoyé, vous êtes bien gentil, mais enfin… Pourriez être notre père à ma copine et à moi ! Votre femme à raison. Je viens juste pour acheter une moto et faudrait pas qu’on soit à l’origine d’un conflit de famille, hein, Lisa ? »

« Ben oui , ironise avec perfidie de concert la môme, sûre que pour une personne de votre age, z’êtes plutôt bien conservé… dans la partie haute ! Pour le reste, ma copine et moi on a besoin de s’éclater et on aime les mécaniques qui prennent des tours à chaque rotation du poignet. Le moteur diesel, on verra ça plus tard ! »

Vlan ! Deuxième fournée pour ce brave Raoul qu’en demandait pas tant et ne trouve pour sa défense que de tenter d’adopter l’allure digne du capitaine d’un navire qu’est en train de couler…

Comme le dit souvent mon ami René Gédeufoitrentans, la moto est le meilleure des maîtresses et la pire des garces à la fois : elle donne tout à celui qui en sera à la hauteur mais ne te pardonnera pas la plus infime faiblesse. La femme est ainsi elle aussi, retiens bien ça ami lecteur et cette petite phrase pleine de bon sens t’évitera ce réveil brutal qui, un jour prochain, fatalement te fera redescendre de ton piédestal de mâle dominant autoproclamé. Cette recherche de la limite n’est qu’un leurre qui ne finira que par te faire toucher le bitume… définitivement, c’est un combat perdu d’avance !

Barjo tente de se raccorder à la dernière branche qu’il a scié lui-même en lançant d’une voix qu’il tente assurée :

« Hé ho ! J’faisais juste que plaisanter !!! Bon, au lieu de débiter de telles âneries, si on la sortait la bête ? »

Les filles se regardent en esquissant un sourire de connivence et s’abstiennent de répondre, plutôt satisfaites de cette victoire éclatante contre le mâle dominant : la femme est une louve pour l’homme qui, dans sa grande majorité n’est qu’un con envers lui-même…


TROISIEME PARTIE : le rêve, poignée en main…



La 996 brille de mille feux au soleil, mais pas autant que le regard d’Eglantine ! Le bi en L râle grave sur sa latérale. La note virile qui s’échappe des Termigoni pendant que la moto chauffe est comme un appel impérial à communier avec une poignée droite annonciatrice de l’entrée dans cet univers si particulier du plaisir à la mode bolognaise. La miss s’avance en tremblant. Nerveusement elle remonte la fermeture éclair de son cuir flambant neuf qui lui serre la poitrine et lui rentre dans la raie culière. D’un mouvement peu assuré elle grimpe en selle. Oup’s ! Ce qui sert de selle à la consistance d’une planche de bois ! Eglantine se penche pour attraper les demi-guidons. Vache ! C’est placé bas et c’est pas large ! La belle commence à paniquer : c’est quoi cette position ??? Elle était pas comme ça la moto-école !!! Timidement elle tourne la poignée de gaz du bout des doigts. Broooaaaarrrrrrrr !!! fait le gros bi en frissonnant d’une espèce de rage contenue à travers toute la machine. La vibration retransmise par l’intermédiaire de la selle à travers le cuir neuf qui lui serre son intimité lui hôte soudain une bonne partie de son appréhension. Du haut de son nuage, Sade sourit… Eglantine en remet un p’tit coup : Broooooooooooooooooooaaaaarrrrrrrrrrrr !!!!!!!!!!!!! Machinalement elle enserre un peu plus la moto pour bien profiter du contact quasi charnel. Elle serre les fesses, se redresse un peu et sent monter en elle un frisson d’envie d’une rare intensité. Sa poitrine lui fait mal, son cœur bat la chamade au rythme des deux gros pistons qui n’attendent que son bon plaisir. Elle fait mine de réajuster son cuir au niveau de l’entrejambe, mais c’est pour mieux vérifier que… son string va avoir besoin d’une petite séance de nettoyage ! L’orgasme mécanique…, alors que viennent à peine de débuter les préliminaires ! A cet age là ça démarre toujours à la première touchette, songe le Marquis du haut de son nuage, le tout étant de conserver le même régime en passant à l’étape suivante, chose souvent mal comprise par l’homoérectus moyen qui pense avoir gagné le combat du haut de sa vanité quant à sa faculté à faire grimper sa « conquête » au rideau. Son autosatisfaction le pousse alors à relâcher son effort à l’instant même où justement il lui faudrait mettre gaz. Invariablement il se fera alors jeter, sans comprendre, par cette garce qui ne le méritait pas ! Pauvre con si naïf dans ses certitudes…

La môme est dans un état second. Le martèlement sourd du twin est régulier sur son ralenti. Eglantine – les cours de mécanique de Fred encore bien en tête – imagine ce va et vient des pistons dans leur chemise respective et se prend à rêver que cette vibration de la machine est une main géante qui la caresse de partout avec une impudeur si pleine de vérité qu’elle ne peut que s’abandonner, vaincue d’avance devant l’audace. Les yeux mi-clos elle empoigne alors le levier gauche – vache ! qu’il est dur !!! – appuie sur le sélecteur qui provoque un bruit sourd au passage de la première et fait tressauter la moto, puis, très lentement sa main droite commence à tourner légèrement la poignée de gaz vers le bas tandis que la gauche relâche son étreinte : la Ducati décolle doucement pour la toute première fois avec sa nouvelle propriétaire…

Oup’s ! Le bras de levier des demi-guidons est insignifiant pour les petits bras délicats de la miss, ce qui, renforcé par la bascule de son corps sur le train avant et le manque de souplesse du twin sur les bas régimes, ramène Eglantine aussitôt à la réalité en l’obligeant à se concentrer comme ce fameux jour pas si lointain où pour la première fois c’est elle qui a pris les commandes d’une moto. Hé oui ! petite demoiselle… Une Ducati ne se donne pas au premier – ou à la première – venu (e) ! Une désagréable sensation de déséquilibre, de subir la moto, s’est emparée d’elle tandis que le premier gauche de ce tour du quartier arrive trop vite pour elle… alors qu’elle vient juste de passer la seconde ! Dis-moi, toi le lecteur souriant, confortablement installé devant ton écran d’ordinateur… ? Tu te marres en te disant : Une gonzesse sur une Ducat’ ? Bien fait pour elle, la prétentieuse ! Pis elle va s’planter au premier freinage, la gourdasse ! Filer ça à une fille c’est comme demander au ministre chargé de la sécurité routière de plaider la cause du deux roues et de supprimer l’ineptie des « sans chevaux » !!! Ben…, j’veux rien dire mon ami, mais…, toi aussi à l’époque, du haut de ton statut de champion du monde de ton village (dis pas le contraire, menteur…), t’étais pas fier non plus et on t’aurait pas passé une feuille à cigarette entre les fesses le jour où toi aussi… tout mec que t’es, hein ? Bien-entendu t’as ensuite frimé devant les potes en imaginant déjà les mille prétextes que t’allais devoir trouver pour éviter de leur montrer que t’étais pas aussi bon que tu le pensais – très sincèrement, je le sais -, et ta mauvaise foi avait fait le reste en volant à ton secours ! Alors, au lieu de te marrer comme un cré**n, pense que cette greluche a les couilles d’assumer un rêve que certains prétendus mâles n’oseront jamais réaliser et… lis la suite avec une petite pensée émue pour notre héroïne dont tu ne connais que trop bien le pourcentage de la pente qu’elle tente de gravir pour accéder au bonheur dont tu jouis aujourd’hui !

Eglantine attrape le levier droit un peu comme ce marin d’eau douce qui prend la mer pour la première fois et jette l’ancre pour éviter l’ancre afin d’éviter ce tangage qui lui remue l’estomac et… se retrouve illico dans une position encore plus inconfortable, totalement en bascule sur le train avant de cette foutue moto bien décidée à ne pas se laisser dompter par la première venue ! Le déséquilibre est total et cette fois c’est la raie des fesses – sans doute jalouse… - qui baigne dans une humidité au moins équivalente à la voisine située plus en hauteur dans le sens de la marche, mais toute froide, qui la ramène à la dure réalité dont elle vient soudain de réaliser toute l’ampleur. La 996 plonge à la corde illico, un peu trop vivement, et la Belle de relever en catastrophe sa moto semblant poussée par les gestes saccadés d’une main géante sous l’impulsion du twin maugréant de ne pas pouvoir s’exprimer aux régimes pour lesquels il a été conçu…

Ouf ! C’est passé mais de justesse ! Eglantine se lance alors à l’assaut d’une… terrible ligne droite d’au moins deux cent mètres. Elle tourne un peu plus la poignée et la Ducat’ bondit aussitôt en avant dans un râle de plaisir, ce qui a pour effet de précipiter l’arrivée du second gauche. Ce coup-ci, prévenue de ce qui l’attend, elle serre les jambes et tend les bras en coupant les gaz et empoignant fermement le levier gauche. Elle en fait de même très légèrement avec le droit et tente de placer son regard au loin comme lui a appris Pascal, son moniteur qui la connaît si intimement… : la moto s’incline, vire d’un bloc presque à l’arrêt et… ça passe ! Fière de cette première victoire, la miss s’enhardie et recommence une troisième fois. La 996 se laisse emmener sans broncher en se lançant à l’assaut du quatrième et dernier gauche devant les ramener tous deux devant la boutique du père Barjo où la petite équipe attend, un peu inquiète, le retour de miss Ducat’, comme on la surnomme déjà (c’est Lisa qu’a trouvé ça).

Eglantine n’a plus peur maintenant ! Une franche rotation de poignée la propulse – toujours en seconde – vers son dernier freinage. Et elle va leur montrer… que c’est pas encore gagné : la bécane, sous l’effet de la morsure des Brembo sur les disques avant, vient de bloquer la roue et délester l’arrière !!! La miss, d’un geste désespéré – la 996 filant droit vers les boitaroues en stationnement – relâche son étreinte et tente de faire virer cette moto qui a décidé que c’était fini de jouer et qu’une diva comme elle se devait de garder son rang. Vite ! redresser la machine et relancer d’un petit filet de gaz. Pas perdre son sang froid… La sueur froide qui coule dans le bas de son dos la fait frissonner. La moto hésite un instant puis… miracle ! se redresse et vient se ranger sagement sur le trottoir de chez Barjo Moto.

La petite troupe se précipite alors autour d’Eglantine pour recueillir ses premières impressions mais la Belle, toujours en selle, semble absente. A travers la visière entrouverte de son Shoei flambant neuf pointe un regard étrangement absent. Lentement, sans un mot, elle coupe le contact, déplie la béquille et, d’un geste qu’elle tente assuré, descend de SA moto. La môme se détourne, retire son casque et respire profondément. Elle reste ainsi quelques instants. Les autres, comprenant ce qu’elle vient de vivre, s’abstiennent d’intervenir. Un ange passe… Eglantine commence alors à se détendre, jette un œil vers la Ducati maintenant muette, esquisse Pas facile… ! Mouais, pas facile du tout… Déclare Eglantine en rigolant. Mais j’ai enfin réalisé mon rêve et maintenant je n’ai plus le droit de reculer : ma moto et moi on va apprendre à se connaître !!! Elle m’a parlé, j’ai répondu… Elle et moi avons un long chemin à parcourir mais on va y arriver ! Mon père – ce cré**n ne disait pas que des conneries – répétait sans cesse que ce que l’on veut vraiment, c’est à la force du poignet qu’on l’obtient, pas en rêvant sans se bouger l’cul ! Hé bien…, vous le voyez mon joli cul ? (clin d’œil au gars Raoul qui baisse la tête, Germaine ne le quittant pas d’une semelle) Désormais il va être rivé à cette selle !!! Ma Ducati et moi allons former le plus beau couple de la terre et je vous jure qu’aucun mec ne se mettra entre elle et moi si on ne l’aura pas décidé ! Excusez-nous, on a du boulot qui nous attend… »

Sur ses belles paroles elle se retourne, gracieuse, enfile de nouveau son casque puis la moto et, d’un geste déterminé grimpe en selle après avoir redonné vie à sa monture. Quelques instants plus tard elle disparaissait au coin de la rue. Le grondement sourd du bi-cylindre se fit entendre quelques instants encore puis chacun se sépara. Barjo et Germaine avaient des choses à se dire et surtout des clients à s’occuper, quant à Lisa, radieuse, celle-ci remonta très vite sur sa Z pour se lancer à la poursuite de son amie.

Le début d’une belle histoire venait de commencer…















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Eglantine de lacuissenberne
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